30 Janvier - 23 Mars 2013
MARJANE SATRAPI
Peintures
galerie jerome de noirmont

Sans titre, 2012. Acrylique sur papier marouflé sur toile. 63,5 x 48,5 cm.

communique de presse

    Marjane Satrapi peint depuis toujours... Même si elle ne l’a jusqu’à présent jamais montrée, la peinture est pourtant à la base de toute sa création, quelle qu’en soit la forme finale. Cette passion pour la peinture s’est illustrée initialement sous forme de bandes dessinées ou de films, Marjane Satrapi souhaitant créer des œuvres populaires, accessibles à tout le monde.

Pour la 1ère fois, du 30 janvier au 23 mars 2013, Marjane Satrapi dévoilera cette façade cachée de ses talents artistiques avec 21 peintures, nouvelles ou récentes, toutes des portraits inédits.

    Portraits figurant un seul sujet ou scènes plus grandes à deux ou quatre personnages, toutes ces œuvres sont effectivement conçues comme des portraits.

Marjane Satrapi analyse la peinture comme un moyen d’expression de son inconscient et c’est pourtant dans son environnement familier que l’artiste trouve son inspiration. Même si les sujets représentés dans ses toiles sont anonymes, leurs traits sont physiquement inspirés de personnalités réminiscentes de son enfance. Dans une démarche paradoxalement très éloignée de tout féminisme, elle figure d’ailleurs toujours des femmes, dont les visages l’inspirent plus, lui paraissant à la fois plus variés et plus simples à dessiner.

Les visages, aux traits très expressifs et représentés la bouche toujours fermée, sont les seules parties nuancées de ces tableaux et sont peints dans des dégradés de couleur qui expriment la subtilité des sentiments humains. Par opposition, le corps du sujet comme le reste de la scène sont peints dans une gamme chromatique tranchée et font l’objet de compositions très construites, où lignes rectilignes et aplats de couleurs franches et vives s’opposent pour une meilleure mise en perspective des personnages.

Marjane Satrapi avoue son enchantement pour les scènes d’intérieur de Balthus et leur composition très élaborée, comme son admiration pour les constructions géométriques de Mondrian. La simplification des lignes comme l’intensité des couleurs évoquent pourtant immanquablement la peinture sensuelle de Matisse, lui qui exaltait la couleur comme un « instrument privilégié de la communication et de l’émotion ».

    L’analogie avec Matisse est pourtant évidente mais elle est ici conceptuelle, intellectuelle et non picturale : « Mes modèles, figures humaines, ne sont jamais des figurantes dans un intérieur. Elles sont le thème principal de mon travail » (1) … « Je ne peins pas les choses, je ne peins que leurs rapports. » (2)

Ces propos de son illustre prédécesseur s’appliquent parfaitement à la démarche créatrice de Marjane Satrapi, qui s’intéresse avant tout aux rapports humains. Ses portraits ne cherchent pas à figurer la seule représentation d’un ou de plusieurs personnages, ils ont un caractère narratif évident qui met en images les rapports humains tels que nous les vivons au quotidien. Ainsi, aucun des personnages de ces portraits n’est représenté frontalement. Ce sont au contraire les jeux de regard toujours obliques de ces femmes qui nous invitent à déchiffrer le mystère de leurs pensées...

12 portraits (65 x 50 cm) montrent des femmes seules, en pleine réflexion, avec le regard de côté, toujours tourné vers l’extérieur, paraissant parfois perdues dans leurs pensées ou au contraire déterminées et expressives. Comme le souligne l’artiste, ce qui nous attire ici, c’est le « hors-champ », ce qui ne se voit pas et que l’on ne regarde que quand on est seul avec soi-même. (3)

Dans les 6 portraits de duos (150 x 100 cm), le « hors-champ » a disparu, ce sont les jeux de regard entre les deux personnages qui tendent la composition car quand on est deux, on est toujours accaparé par l’autre. (3) Quant aux 3 peintures (140 x 140 cm) figurant des groupes de 4 femmes, elles se présentent comme des portraits de famille animés, dans lesquels on s’assoit, on pose, on joue… Dès que l’on est à plusieurs, on fait des concessions, donc on pose, on n’est plus tout à fait soi-même. (3)

    Cette série de peintures s’inscrit ainsi dans la continuité de toutes ses créations antérieures, notamment de ses bandes dessinées Persepolis (2000-2003) et Broderies (2003), dans lesquelles Marjane Satrapi s’est efforcée de dépeindre la complexité de la nature humaine, avec une expression picturale simplifiée et pourtant remarquablement expressive, traitant toujours avec beaucoup d’ironie et d’humour les critères esthétiques classiques de la représentation humaine.

Avec une totale liberté de création qui s’affranchit de tout dogmatisme technique ou pictural, elle concilie ici les paradoxes de sa personnalité entre un caractère à la fois exubérant, très extériorisé, et étonnamment introspectif, qui fait coexister un raisonnement logique et cartésien avec une expression onirique des sentiments et des émotions, dans un vécu personnel qui mixe les valeurs orientales issues de sa culture familiale et les valeurs occidentales, l’artiste ayant vécu en France depuis sa jeunesse.

 

1 : Henri Matisse, « Notes d’un peintre sur son dessin », in Le Point, 1939.
2 : Henri Matisse in Louis Aragon, « Matisse en France », 1943.

3 : Les propos en italiques sont de l’artiste.