25 Mai - 29 Juin 2005 |
YI ZHOU
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Dreamscape (catalogue)
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galerie jerome de noirmont
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communique de presse
Tandis que le rêve est le jeu de l’homme en tant qu’individu avec la réalité, l’art du plasticien est le jeu avec le rêve.
Friedrich Nietzsche
Pour sa deuxième exposition à la galerie, Yi Zhou nous transporte dans un univers onirique futuriste, composé d’architectures imaginaires, de silhouettes modélisées en 3D et de dessins tri-dimensionnels… Cette exposition constitue une nouvelle étape dans le travail d’avant-garde de la jeune artiste sino-italienne, qui combine aujourd’hui vidéo, photo, dessin, peinture, sculpture et installation pour aborder de nouvelles thématiques.
Le mythe de la transformation, la fragmentation du monde qui nous entoure, l’enfance, l’abandon, la solitude, l’alter ego... En jouant avec ses rêves, c’est autant de sujets divers que Yi Zhou transpose dans un monde idéalisé, autant de concepts qu’elle fédère en créant un environnement spécifique pour cette exposition, opposant le blanc au noir. Une fois passé la porte de la galerie, le visiteur sera immergé dans un univers décomposé en 4 espaces: la Daphné Room, la Red Thin Line Room, la Latex Room et la Drawing Room.
Ainsi intitulé en référence à la légende d’Apollon et Daphné dans la mythologie grecque, cet espace évoque en particulier le mythe de la transformation, au travers de 5 sculptures réalisées en aluminium, métal rigide mais très léger, et de 2 vidéos présentées sur deux écrans plasma blancs.
Se tournant pour la première fois vers la sculpture, Yi Zhou reste fidèle au processus de création virtuelle qui est à la base de toute son œuvre. Ainsi, elle modélise d’abord en 3D les dessins et formes qu’elle a créés, avant de leur donner corps sous forme de sculptures, son monde imaginaire devenant alors réalité… Faites en feuilles d’aluminium peint en blanc, ces sculptures ont un aspect très plat, avec des facettes polygonales qui donnent l’illusion d’un volume en relief, et illustrent explicitement la métamorphose de Daphné en laurier, comme un papier découpé.
Nichées au sein même des sculptures, l’artiste nous présente ses deux vidéos en 3D, face à face, Oneofthesedays et Aboutseana, de quelques minutes seulement chacune (en boucle), dont la réalisation techniquement très complexe a été faite en collaboration avec la société Artefactory, spécialiste de la modélisation en 3D pour les plus grands architectes mondiaux.
Oneofthesedays nous plonge dans un espace urbain à l’architecture futuriste, dans lequel jaillissent des étincelles issues de grands câbles électriques qui parcourent la ville. Tout à coup, les immeubles se décomposent et des morceaux de façades s’abattent en pluie dans les rues. Seul être humain dans cet environnement surréel, un personnage entièrement vêtu de noir cherche à s’échapper… Cette vidéo est une allusion directe à la décomposition et à la fragmentation de notre monde qui évolue continuellement, nous faisant perdre nos repères. C’est aussi une illustration de l’idée d’abandon, comme l’enfant qui panique à l’idée de se retrouver seul, croyant avoir perdu ses parents, avec l’impression que le monde s’écroule autour de lui.
En écho à Oneofthesedays, la vidéo Aboutseana représente une petite fille de 9 ans, dont la silhouette en 3D réalisée à partir d’un scan tridimensionnel s’appréhende comme une sculpture. Symbolisant l’alter ego de l’artiste, la petite fille se décompose lentement en pétales et laisse la place au vide… Se remémorant de manière confuse son passage, enfant, de Chine en Italie, Yi Zhou nous rappelle ici à quel point les émotions de l’enfance conditionnent notre vie d’adulte, même si ces émotions enfantines sont souvent subconscientes. Toute disparition vécue enfant laisse une trace et peut faire resurgir un sentiment de perte tout au long de la vie d’adulte, c’est ce que l’artiste nous montre ici en conférant à l’enfant une charge émotionnelle aussi intense que celle d’un adulte.
Irréalité, intemporalité, solitude… Yi Zhou insiste sur ces notions essentielles en concevant ces 2 vidéos et l’ensemble de la Daphné Room comme un univers où le blanc domine.
L’atmosphère blanche prévaut aussi dans cet autre espace, où l’artiste choisit de présenter une seule grande œuvre, combinant vidéo, sculpture et installation, la Red Thin Line Sculpture. Un grand fil rouge traverse la pièce blanche, monte et descend le long des murs, sinue sur le plafond et le sol, poursuit son mouvement aléatoire dans une projection vidéo murale… La sculpture semble ainsi suspendue dans l’espace, comme un dessin tri-dimensionnel.
Œuvre fragile, la Red Thin Life Sculpture est une allusion directe à l’enfance, à ce jeu que les enfants font parfois pour passer le temps, avec un fil de laine qu’ils font et défont avec leurs doigts. Ce fil que trace Yi Zhou, rouge ici, noir ou blanc ailleurs, est le fil conducteur qui relie l’enfance à l’identité de chacun. Comme dans l’oscillogramme d’une voix ou dans une toile d’araignée, c’est aussi le fil conducteur entre les diverses thématiques et les différents supports abordés par l’artiste dans son travail.
Tel le voyageur qui a besoin de se poser après une immersion en pays étranger pour prendre conscience de son nouveau vécu, après s’être imprégné de l’onirisme de Yi Zhou au travers de ses vidéos et de ses sculptures-installations, le visiteur revient vers le concret dans cette seconde partie de l’exposition, où il est confronté à des œuvres sur supports « classiques » (photo, dessin et peinture), plus sombres que les précédentes et légèrement colorées.
Toujours contrecollés sur aluminium, les tirages couleur exposés sont ceux créés en parallèle (et non pas en arrêts sur image) des vidéos Oneofthesedays et Blackfruits, autre création actuelle de Yi Zhou, qui fait évoluer là une jeune femme dans un univers noir en 3D, sorte de gigantesque nature morte empli d’un réseau de fils et de fruits géants, noirs eux aussi.
La contemporanéité et le choc des cultures, se mélangeant pour aboutir à une seule culture/vision finale, sont deux constantes de l’œuvre de Yi Zhou. Ayant vécu à la fois en Chine et en Europe, ayant un intérêt très poussé pour toutes les nouvelles technologies et pour tous les types de création (art, mode, cinéma, musique…) et en même temps soucieuse de respecter les archétypes de notre culture, la jeune femme a créé de nouveaux dessins et de nouvelles peintures qui sont une parfaite représentation de ce melting-pop dont elle est issue.
Ainsi, comme on le verra dans la Latex Room, elle réalise des dessins avec un mélange d’acrylique et de latex liquide, qui dégouline sur la surface, soit une toile, soit un mur.
Dans la Drawing Room, l’artiste se concentre sur l’art traditionnel du portrait , en faisant référence au peintre américain John Singer Sargent (1856-1925), célèbre pour ses portraits de la bonne société bostonienne et londonienne du début du siècle. Avec une légère distorsion, Yi Zhou choisit elle de peindre, dans ces poses à la fois désuètes et actuelles, les portraits de jeunes femmes de son entourage auxquelles elle souhaite s’identifier. D’autres dessins, au crayon blanc sur papier noir, viendront compléter cette série de portraits d’alter ego.
Avec Dreamscape, Yi Zhou nous projette dans un mélange des mondes, réel et virtuel, ancien et contemporain… Elle nous propose une réflexion déjà très avancée sur le devenir de nos sociétés, avec la distance qu’impose la transposition dans son art de son propre jeu avec la réalité, à l’image du propos de Nietzsche.