3 Juin - 3 Juillet 2010 |
McDERMOTT & McGOUGH
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What You Mean To Me
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galerie jerome de noirmont
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McDermott & McGough What do you expect me to do?, 1936 2010 Jet d´encre et gouache sur papier 76,2 x 57,15 cm
communique de presse
FENETRE SUR LE TEMPS
Les créations du couple d’artistes américano-irlandais McDermott & McGough, qu’il s’agisse de leur œuvre photographique, peint ou sculpté, puisent leur force dans la puissance évocatrice de l’image. Vivant le passé comme une provocation existentielle, McDermott & McGough refusent de se laisser enfermer dans notre époque contemporaine ; leur démarche artistique est fondée sur le refus de souscrire à « la théorie biblique du temps », choisissant l’époque qui leur convient le mieux pour s’exprimer. Pour donner corps à ce voyage dans le temps, les artistes créent toujours leurs œuvres en utilisant des techniques de l’époque dans laquelle ils se projettent et en introduisant les détails décoratifs ou stylistiques s’y rapportant.
Après s’être concentrés ces dernières années sur leur œuvre peint, en focalisant sur l’Amérique des années 1950/60, McDermott & McGough reviennent aux sources de leur travail pour le faire évoluer vers l’image cinématographique. Leurs peintures récentes faisaient déjà référence aux images de films en les juxtaposant à des images de bandes dessinées ou de romans photo de l’époque par un découpage pictural de la toile en plusieurs cases.
Aujourd’hui, dans cette nouvelle exposition personnelle intitulée What You MEAN TO ME, les artistes nous dévoileront leur premier film, un court-métrage qui nous plonge dans l’atmosphère de crise du Manhattan des années 30, et leurs nouvelles œuvres sur papier, qui mixent réalisme et fiction, imagerie de film et dessin coloré.
Mean To Me, 1936 (Voir un extrait) met en scène la fin tragique d’une histoire d’amour dans le Manhattan des années 30, où une brillante courtisane découvre que son amant, aristocrate ruiné par la Dépression, veut épouser une héritière fortunée pour se remettre à flot… La femme faible et vulnérable devient femme forte en passant par des sentiments extrêmes, son personnage symbolisant une histoire sociale américaine où la femme idéalisée se conçoit belle, glamour, dotée d’une personnalité riche aux multiples facettes.
Influencé par le cinéma d’Alfred Hitchcock et de Fritz Lang, ce film noir et blanc de 13 minutes révèle le trouble émotionnel et la personnalité complexe des personnages principaux incarnés par le top model britannique Agyness Deyn et l’acteur américain Linus Roache, pour nous plonger dans une atmosphère mélodramatique caractéristique des films noirs, où l’histoire d’amour sert de prétexte à une chronique de la condition sociale.
Ce tout premier film, réalisé par les artistes en 2010, se nourrit ostensiblement de leur travail photographique comme des principes de l’expressionnisme qui ont tant marqué le film noir américain, avec une succession de plans aux cadrages serrés, une esthétique en clair/obscur et d’importantes ombres portées qui accentuent les psychologies alambiquées des personnages, l’expression dramatique des visages étant ici renforcée par des visions en contre-plongée.
Outre ce mimétisme technique, le film symbolise une nouvelle fois l’authenticité de la démarche atemporelle de McDermott & McGough par le choix des accessoires étudié jusqu’au moindre détail, pour refléter tant l’époque que l’état d’esprit ambivalent des protagonistes et la dramatisation de la scène: robes et habits vintage, colliers de perles et joaillerie ancienne, authentiques flacons de parfum, et l’incontournable téléphone en bakélite, clé du suspense…
Ce court-métrage a inspiré McDermott & McGough pour donner une nouvelle évolution à leur œuvre sur papier. Mêlant images tirées de scènes du film Mean To Me, 1936 à des aplats de couleur ou du dessin à la gouache, les œuvres exposées ici reprennent des portraits des acteurs et les intègrent au sein ou aux côtés de formes abstraites très construites, dont les couleurs vives et l’aspect souvent géométrique évoquent l’esthétique du Bauhaus ou du constructivisme. L’allusion à ces mouvements artistiques illustre symboliquement l’intérêt des artistes pour l’évolution technique replacé dans son contexte historique, soulignant ainsi son importance novatrice.
En combinant ainsi les techniques, les 2 artistes apportent un nouveau développement à leur création, conjuguant deux aspects essentiels de leur œuvre, entre photographie et dessin / peinture. Après avoir longtemps considéré séparément ces modes d’expression artistique, puis créé récemment des toiles où images de bandes dessinées se juxtaposaient à celles d’anciens films noir et blanc comme celles de l’exposition Please don’t stop loving me à la galerie en 2007, les artistes fusionnent aujourd’hui l’ensemble de ces mediums dans ces nouvelles œuvres, en leur donnant un aspect pictural inédit.
Aux côtés de ces toutes nouvelles œuvres, toujours dans le cadre de leur réflexion sur la temporalité et l’histoire sociale américaine, les artistes exposeront aussi la série de photographies créée en 2008 et intitulée Detroit, qui dépeint une certaine Amérique des années 1950.
Les images particulièrement colorées de cette série évoquent des thèmes liés à la répression sociale de cette Amérique puritaine d’après-guerre, dans l’ambiance « petit-bourgeois » des banlieues résidentielles de l’époque, très similaire à celle qu’ont connue les artistes dans leur enfance. Les sujets figurent à la fois l’innocence, l’ennui, l’isolement, comme les rêves d’évasion des jeunes d’alors au-delà du noyau familial et d’un environnement local trop routinier, rêves entretenus par la télévision, le téléphone, les magazines ou le cinéma. Ce sont autant de métaphores différentes sur cette période de reconstruction, vécue par les artistes comme celle d’une aliénation, d’une mise à l’épreuve et d’une déconnection avec la norme hétéro.
Pour « encapsuler » l’atmosphère pré-Pop de cette Amérique des années 50, McDermott & McGough ont utilisé pour la première fois un procédé photographique historique, le tirage Carbro 3 couleurs, conçu par le photographe américain Paul Outerbridge dans les années 30. Cette technique très subtile et pérenne, d’une grande complexité technique, permet d’obtenir un éclat, une profondeur et une intensité chromatiques inouïs, d’une qualité telle que Outerbridge fut harcelé par les publicitaires de l’époque !
Une nouvelle fois avec cette exposition What You MEAN TO ME, McDermott & McGough nous embarquent dans un voyage initiatique qui mixe repères contemporains et historiques, nous invitant à une réflexion sur les codes d’une société en mutation constante.