CLÉMENT COGITORE

THE EVIL EYE

EN QUELQUES MOTS ...

Clément Cogitore élabore une œuvre singulière, empreinte d'une extrême sensibilité, qui utilise les différents langages offerts par l’image en mouvement pour développer une pensée très ouverte sur de multiples sujets mais toujours tenue par quelques grandes questions qu'il explore au fil de ses créations. Privilégiant le médium du film, son œuvre s'enracine autant dans le cinéma que dans les dispositifs propres à l’art contemporain, révélatrice d'un art autant concerné par le statut de l'image que par les structures narratives.

Bien qu'habité par une grande hétérogénéité de sujets, l’univers de Clément Cogitore est pourtant traversé par la récurrence de thèmes dont l’exploration sert de fondation à sa pensée : perception d’une réalité parcourue d’irrationnel, rémanence de schémas archaïques, primitivisme, phénomènes communautaires, survivance du sacré, percolation du magique dans un monde en perte de transcendance, figures empruntées aux grands récits apocalyptiques... Les formes anciennes se réactualisent dans nos modes actuels de perception des images où la technologie et le réseau ont supplanté la magie mais où la croyance demeure sans doute la quête inconsciente.

Des scènes entièrement réalisées à partir d'images pré-existantes

Avec l'installation The Evil Eye conçue pour le Prix Marcel Duchamp, Cogitore aborde une relation aux images et aux grands récits fondée sur l'emploi de vidéos issues des banques d'images (Getty, Shutterstock...), grandes pourvoyeuses de formes destinées aux fins publicitaires et télévisuelles les plus diverses. Entièrement réalisées à partir d'images pré-existantes et tournées sur fond vert, les scènes anonymes de The Evil Eye opèrent une sommation de postures stéréotypées, de gestuelles génériques adaptables à l'envi sur des décors ajoutés en postproduction. En bas de l'écran, les numéros de référencement des images apparaissent tels des codes-barres.

En procédant à la sommation de ces images sans qualité, surexposées par la puissante luminescence d'un écran Led monumental, Clément Cogitore révèle la vision dystopique d'un bonheur saturé de sourires, de mouvements de chevelures au ralenti, de beautés artificielles dévitalisées, véritables injonctions hypnotiques destinées à susciter les instincts d’achat les plus inconscients.
Sur les images, une voix de femme adresse à l'être aimé une supplique incantatoire : elle est la voix clamant dans le désert d'un matérialisme totalitaire, voix suppliante, vindicative, prédictive.

Une dramaturgie ambivalente s'installe ainsi peu à peu, où l'indifférenciation identitaire entre en tension avec un registre allégorique. L'installation prend la tournure d'une boîte optique, le fourmillement du grand écran Led happant le regard dans un espace paradoxalement intime, où l'autorité du dispositif médiatique et celle du spectateur entrent l'une et l'autre en dérive.

Clément Cogitore est né en 1983 à Colmar. Il vit et travaille à Paris.